Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté un ensemble de propositions législatives connu sous le nom de paquet Omnibus. Son objectif : simplifier le cadre de la CSRD et réduire la charge administrative pour les entreprises européennes.
Derrière cette volonté de simplification, la Commission entend renforcer la compétitivité des acteurs économiques tout en maintenant le cap du Pacte vert pour l’Europe.
Quels sont les changements concrets proposés ? Quels impacts pour votre entreprise, vos obligations, ou vos travaux déjà engagés ? Et surtout, comment continuer à avancer dans un contexte en évolution ?
👉 Dans cet article, nous vous proposons une synthèse claire et actualisée des mesures annoncées et nos conseils pour piloter sereinement et efficacement votre stratégie ESG, quel que soit votre niveau de maturité.
🆕 Les experts CSRD de WeCount mettrons régulièrement à jour cet article pour vous tenir au courant des évolutions.
En bref📑
Ce qui a été adopté :
- La proposition “stop-the-clock”. Le 3 avril 2025, le Parlement Européen vote le report de deux ans l’application de la directive CSRD pour les entreprises de la vague 2 et les PME de la vague 3, ainsi que d’un an la mise en œuvre de la directive CSDDD pour les plus grandes entités.
Ce qui ne change pas :
- L’analyse pour la double matérialité pour les entreprises éligibles.
Ce qui est en cours de discussion :
- La réduction de 80% du nombre d’entreprises soumises aux obligations en augmentant les seuils d’éligibilité ;
- L’allègement de certaines normes (ex. suppression des informations sectorielles) ;
- La réduction des points de données avec une priorisation des points de données quantitatifs ;
- Les exigences réduites sur la chaîne de valeur (“Value Chain Cap”) : les entreprises soumises à la CSRD ne pourront plus exiger de leurs fournisseurs (-1000 employés) des données allant au-delà du standard VSME.
Les prochaines étapes :
CSRD : ce qui change concrètement
Parmi les annonces phares de la commission européenne, il est annoncé d'ici la fin de son mandat actuel (2024-2029) une réduction d'au moins 25 % des charges administratives, voire 35 % pour les PME.
Cette initiative repose sur plusieurs mesures concrètes dans des domaines clés tels que la finance durable, la due diligence diligence raisonnable en matière de durabilité, la taxonomie européenne, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) et les programmes d'investissement européens.
L'une des réformes majeures concerne la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la taxonomie européenne.
CSRD : Un report des échéances avec un nouveau calendrier d’application
Le 3 avril 2025, le Parlement européen a adopté la proposition “Stop-the-Clock” du paquet Omnibus, actant ainsi un report de deux ans des obligations de reporting pour les entreprises concernées.
Voici le nouveau calendrier d’application :
- Vague 1 - Grandes entreprises cotées : maintenu, publication en 2025 (exercice 2024) ;
- Vague 2 - Grandes entreprises non cotées : report, publication en 2028 (exercice 2027) ;
- Vague 3 - PME cotées : report, publication en 2029 (exercice 2028) ;
- Vague 4 - Sociétés non-européennes : maintenu, publication en 2028 (exercice 2027).
Que reste-t-il à négocier ?
Dans les prochains mois, le Parlement européen devra se prononcer sur plusieurs évolutions proposées dans le cadre de la directive dite "Content", issue du projet Omnibus.
Parmi les sujets discutés : les seuils d’application, le périmètre des normes ESRS, le niveau d’assurance exigé et les modalités de reporting de la taxonomie verte.
A retenir, tant que rien n’est adopté, rien ne change et c’est le cadre actuel qui s’applique.
Le relèvement des seuils d’éligibilité
En relevant les seuils d’éligibilité de la CSRD, la Commission européenne entend réduire drastiquement le nombre d’entreprises concernées jusqu’à 80 % de moins.
Si cette proposition est adoptée, seules resteraient soumises à l’obligation de reporting :
- Vague 1 : Les EIP européennes (Entités d'Intérêt Public), il s'agit principalement des entreprises cotées, des banques et des compagnies d'assurances comptant plus de 1000 salariés ;
- Vague 2 : Les grandes entreprises de l’UE non cotées, dès lors qu’elles emploient au moins 1 000 personnes et dépassent 50 M€ de chiffre d’affaires ou 25 M€ de total de bilan ;
- Les sociétés non européennes réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 450 M€ dans l’UE, à condition qu’elles possèdent :
• soit une filiale significative (250 salariés, 50 M€ de CA ou 25 M€ de bilan) ;
• soit une succursale (réalisant plus de 50 M€ de chiffre d’affaires net dans l’Union).
Les autres entreprises moins de 1 000 salariés resteraient en dehors du périmètre obligatoire, mais pourraient s’engager sur une base volontaire. Pour cela, elles disposeraient du cadre simplifié VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed SMEs), pensé spécifiquement pour accompagner leur transition.
La simplification des normes ESRS
L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), à l’origine des normes ESRS actuellement utilisées dans le cadre de la CSRD, a été officiellement mandaté par la Commission européenne pour proposer une simplification du socle initial des ESRS. Cet avis est attendu d’ici le 31 octobre 2025.
L’objectif de cette mission : alléger les obligations de reporting tout en maintenant la cohérence avec les exigences européennes et internationales.
Les pistes envisagées incluent :
- Une suppression des points de données les moins nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’Union Européenne ;
- Une priorisation des points de données quantitatifs ;
- Une distinction claire entre points de données obligatoires et volontaires, sans nuire à l'interopérabilité avec les normes mondiales d'information et sans préjudice à l’analyse de double matérialité de l’entreprise ;
- Le suppression des normes sectorielles.
La restriction du périmètre de la chaîne de valeur
La directive Omnibus introduit un principe de limitation baptisé « Value Chain Cap », destiné à éviter une surcharge de demandes d’informations auprès des partenaires en amont ou en aval.
Concrètement, les entreprises soumises à la CSRD ne pourront plus exiger de leurs fournisseurs de moins de 1 000 salariés des données allant au-delà du standard VSME.
Ce changement marque une volonté claire de réduire l’effet de cascade sur les petites structures (fournisseurs, sous-traitants, partenaires) et d’encadrer les obligations de reporting pour les rendre plus proportionnées.
Assurance limitée : une vérification moins stricte des données
Le projet Omnibus confirme le maintien d’une assurance limitée sur les données de durabilité publiées, écartant ainsi la montée en charge vers une assurance raisonnable, plus contraignante.
Cette évolution, redoutée par certaines entreprises pour son coût et sa complexité, est donc suspendue. L’assurance limitée devrait s’appliquer au moins pour les trois premières années.
Une manière de limiter les freins à la mise en conformité, tout en laissant aux entreprises le temps de structurer leurs pratiques.
Assouplissement de la taxonomie verte
Avec le projet Omnibus, la taxonomie verte européenne serait désormais réservée aux grandes entreprises, en cohérence avec le nouveau périmètre de la CSRD.
Concrètement, seules les structures affichant un chiffre d’affaires supérieur à 450 M€ resteraient soumises à l’obligation de déclaration.
Pour les autres, la contribution deviendrait volontaire.
Le texte introduit également plus de souplesse dans la manière de déclarer :
- Réduction estimée à 70% de la charge de reporting ;
- Possibilité de rendre compte des activités partiellement alignées ;
- Introduction d’un seuil de matérialité avec une exemption d’analyse pour les activités représentant moins de 10 % du CA, Capex ou Opex ;
- Révision du DNSH (Do No Significant Harm) et clarifications attendues sur les critères liés à la pollution et aux substances chimiques.
Qu’en est-il de la CS3D et de la CBAM ?
CS3D : ce qui change concrètement
Tout comme pour la CSRD, l’adoption de la directive “stop-the-clock” du 3 avril par le Parlement Européen valide le report d’un an de l’application des nouvelles obligations pour les plus grandes entreprises, fixant ainsi l’échéance à 2028.
Pour le reste, voici ce que visent les réformes pour la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) :
- Alléger les exigences de contrôle, notamment en concentrant l'attention sur les partenaires commerciaux directs ;
- Réduire la fréquence des évaluations périodiques, qui passeront d'une évaluation annuelle à une évaluation quinquennale ;
- Limiter les obligations imposées aux PME dans la cartographie de la chaîne de valeur ;
- Harmoniser les exigences à l'échelle européenne pour assurer une concurrence équitable entre les entreprises des différents États membres et réduire les coûts de mise en conformité ;
- Reporter d'un an l'application des nouvelles obligations pour les plus grandes entreprises, fixant ainsi l'échéance à juillet 2028.
Un CBAM simplifié, les PME retirées du dispositif
Concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM), la Commission propose plusieurs simplifications importantes :
- L'introduction d'un seuil annuel de 50 tonnes par importateur, exemptant ainsi environ 90 % des importateurs, principalement des PME, des obligations du CBAM,
- Une rationalisation des obligations de reporting et des règles de calcul des émissions incorporées,
- Un renforcement des règles de contrôle pour éviter les contournements et abus,
- Une préparation à l'extension du CBAM à d'autres secteurs couverts par le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (ETS).
50 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pour les entreprises
Outre la simplification réglementaire, la Commission européenne propose des ajustements aux programmes d'investissement tels qu'InvestEU et l'EFSI.
Selon la commission, ces ajustements vont amener à :
- Une augmentation des capacités d'investissement grâce à l'utilisation des retours sur investissements passés et l'optimisation des fonds encore disponibles,
- La mobilisation de 50 milliards d'euros d'investissements publics et privés supplémentaires,
- Un soutien accéléré aux projets innovants en lien avec la compétitivité, la transition écologique et la formation,
- Une simplification des démarches administratives pour les PME et les intermédiaires financiers, générant ainsi une économie de 350 millions d'euros en coûts administratifs.
Quelles sont les prochaines étapes pour Omnibus ?
Avant de devenir réalité, les mesures proposées dans le cadre du paquet Omnibus devront encore franchir plusieurs étapes.
Dans les mois à venir, le Parlement européen se prononcera sur la directive dite “Content”, qui regroupe les principales évolutions envisagées : rehaussement des seuils d’application de la CSRD, révision du périmètre des normes ESRS, maintien de l’assurance limitée, ou encore allègement du reporting lié à la taxonomie verte, et des obligations de la CS3D.
En parallèle, la Commission européenne a mandaté l’EFRAG pour proposer une simplification du socle initial des normes ESRS. Un avis technique est attendu d’ici le 31 octobre 2025, en vue de rendre le cadre plus accessible. Le vote final du Parlement sur l’ensemble du texte est annoncé pour le second semestre 2025, suivi d’une transposition nationale à prévoir en France via une loi ou une ordonnance.
Même si la Commission pousse pour une adoption rapide, le processus législatif complet pourrait s’étendre sur plus d’un an. D’ici là, le cadre actuel demeure applicable. ll est donc recommandé de continuer sa trajectoire et ses travaux CSRD, dans l’attente des décisions finales et de leur mise en œuvre concrète. Suite au prochain épisode. 👀
CSRD, Omnibus : Nos conseils pour bien avancer
Pour beaucoup d’entreprises, les annonces autour de la loi Omnibus ont semé le flou, parfois jusqu’à créer un sentiment de blocage.
Pas de panique. C’est justement le bon moment pour faire le point, sortir d’une logique de conformité subie ou d’une simple contrainte réglementaire pour envisager les exigences ESG comme un véritable levier de performance.
Quel que soit votre point de départ, il existe des solutions pour avancer à votre rythme.
Déjà, la première chose à retenir c’est que tant que le texte n’est pas voté puis transposé, le cadre actuel reste pleinement en vigueur.
Pour le reste, voici nos conseils.
Pour les entreprises de la vague 2 et vague 3
Un report ne signifie pas un abandon.
C’est ce que rappelait Camille Fant, Directrice RSE d’Akeneo et alumni de WeCount, lors de notre dernier webinar consacré à la CSRD (11mn 55s).
{{quote}}
👉 [Voir le replay du webinar]
Comme Camille, vous disposez désormais de deux années supplémentaires pour vous approprier les enjeux ESG et structurer, à votre rythme, un reporting de durabilité solide. Pour tirer pleinement parti de ce délai, voici nos recommandations :
- Utilisez le report de date comme une occasion pour étaler la démarche dans le temps, poursuivez la structuration de votre reporting sur la base du cadre actuel, en ciblant les dimensions les plus pertinentes et accessibles pour votre organisation.
- Simplifiez l’approche de la double matérialité, en commençant par votre périmètre direct et vos parties prenantes internes, tout en respectant les principes clés.
- Mobilisez l’ensemble des directions, en inscrivant les enjeux ESG dans une logique de performance partagée, au service du projet d’entreprise.
- Faites-vous accompagner, des structures spécialisées comme WeCount peuvent vous aider à formaliser votre trajectoire. En cinq mois, il est possible de lancer la dynamique CSRD, former vos équipes, réaliser votre double matérialité et cadrer votre stratégie de collecte.
- Appuyez-vous sur des outils CSRD et de reporting adaptés, simples et conçus pour les besoins opérationnels des équipes. La plateforme développée par WeCount vous permet de structurer votre rapport, suivre vos plans d’action et mobiliser l’ensemble de vos parties prenantes.
- Utilisez des cadres reconnus, comme ACT Pas-à-Pas, une méthode développée par l’ADEME et utilisée dans nos accompagnements, pour structurer une stratégie climat robuste, alignée avec les attendus de la CSRD.
Pour les entreprises non éligibles
Malgré le remue-ménage des derniers mois, la CSRD reste une avancée majeure au service du Green Deal européen, qui vise la neutralité climatique d’ici 2050. Elle offre un cadre de transparence renforcée sur les impacts sociaux et environnementaux des entreprises, avec des informations plus fiables et comparables pour les investisseurs, les consommateurs et les autres parties prenantes.
Même si votre entreprise n’est pas – ou ne sera plus – soumise à ces obligations, il existe de nombreuses raisons importantes de continuer à se préoccuper de cette évolution réglementaire et in fine, de s'engager dans la publication d’un reporting de durabilité :
- Anticiper la pression de la chaîne de valeur et l’effet de ruissellement. Même non soumise directement, votre entreprise peut être indirectement concernée par les exigences de durabilité des grands donneurs d’ordres et entreprises soumis à la CSRD ou à la VSME ;
- Accéder à des financements verts, à des taux bonifiés. Les investisseurs et les assureurs intègrent de plus en plus les critères ESG et peuvent proposer des conditions plus favorables aux entreprises engagées ;
- Se différencier sur le marché. De plus en plus d'appels d'offres incluent des critères RSE. Une démarche ESG structurée améliore la compétitivité et l'accès à de nouveaux marchés ;
- Répondre aux attentes croissantes des acteurs économiques (investisseurs, assureurs, consommateurs). Ignorer ces attentes peut entraîner un désengagement de ces parties prenantes ;
- Renforcer la marque employeur. La sensibilité aux sujets ESG est forte chez les jeunes générations. Une démarche de durabilité facilite l'attraction et la rétention des talents.
Et si vous ne savez pas par où commencer, voici quelques conseils pour avancer concrètement :
- Utilisez l’exercice de double matérialité pour comprendre vos enjeux stratégiques ;
- Appuyez-vous sur un cadre adapté, comme la VSME, pour poser les premières bases, structurer votre démarche et identifier les indicateurs utiles.
- Observez les pratiques des entreprises déjà soumises à la CSRD pour anticiper les données et les attentes susceptibles de vous être transférées.
- Impliquez l’ensemble des directions pour créer une dynamique collective autour des enjeux ESG — la durabilité se pilote à plusieurs.
💡 Bon à savoir : La Commission européenne prévoit de publier d’ici juin 2025 une recommandation officielle sur l’usage volontaire du standard VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed SMEs), renforçant ainsi son rôle de cadre de référence pour les entreprises de moins de 1 000 salariés non soumises à la CSRD.
Pensé comme un standard simplifié de reporting ESG, la VSME repose sur un module de base de 11 indicateurs clés, permettant à l'entreprise d'identifier ses enjeux ESG prioritaires et de valoriser son engagement dans la transition.
En conclusion : attendre ou continuer ?
Ces réformes de la commission sont une étape décisive pour simplifier les contraintes administratives pesant sur les entreprises et renforcer la compétitivité de l'Union européenne. Néanmoins, le risque est de prendre le chemin de la facilité et de ralentir la transition écologique en mettant en péril nos objectifs de décarbonation.
Mais attention à ne pas confondre simplification et ralentissement. Le risque serait de céder à la facilité et de freiner collectivement la transition écologique, au détriment de nos objectifs de décarbonation.
Chez WeCount, nous restons convaincus que la CSRD, même aménagée, demeure un cadre essentiel pour structurer, harmoniser et crédibiliser le reporting ESG, y compris pour les entreprises volontaires non soumises à l’obligation réglementaire. C’est un socle commun pour avancer, progresser, et rendre visible l’engagement de chacun.
👉 Vous vous interrogez sur la suite, le bon rythme ou les bons outils pour structurer votre stratégie ESG ? Que vous soyez directement concerné par la CSRD ou non, notre équipe peut vous accompagner pour transformer ces enjeux en leviers concrets de pilotage, de performance et de mobilisation. Contactez-nous pour en parler !
Sources
Commission simplifies rules on sustainability and EU investments, delivering over €6 billion in administrative relief, 26 février 2025
Proposal for a DIRECTIVE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on Corporate Sustainability Due Diligence and amending Directive (EU)
EFRAG - About sustainability reporting
EFRAG launches a public call for input on ESRS Set 1 Revision
CSRD : premiers retours d'expériences d'entreprises qui publient en 2025
CSRD, devoir de vigilance : les députés européens votent le report des directives
Portail RSE - Espace CSRD
Portail RSE - VSME : comprendre les normes volontaires